Il va donc falloir que je déconstruise tout ça.
Après toutes ces années à copier sur les autres, sans même m'en rendre compte, ces comportements sociaux dépourvus de sens pour moi. Dire bonjour, si quelqu'un dit bonjour, dire aurevoir, si quelqu'un dit aurevoir. Essayer de comprendre comment, quand, parler, ou pas, devant les autres, pour éviter ce sentiment de malaise, sans jamais y parvenir complètement.
Il va falloir que je retrouve cette petite fille dont j'admirais tant le regard noir dans le miroir, cette volonté au fond des yeux. Où est-elle donc passée ? Par où commencer pour la retrouver ?
Peut-être par revenir aux basiques. Manger. Dormir. Pour essayer de revenir à soi. Pour manger aussi, revenir aux basiques : le jardin, plaisir d'enfance. Ça ne peut pas faire de mal. C'est difficile de s'énerver en jardinant, à part, éventuellement, contre ces f..king boutons d'or qui envahissent tout, mais sinon, ça devrait être plutôt bon pour le moral et aider à retrouver des pensées constructives. Et dormir. Se coucher tôt, se lever tôt. L'utopie. Pourtant, on reste encore dans un des moyens efficaces pour prévenir les troubles mentaux, stress, anxiété, dépression.
Oui, je sais, j'étale des banalités... Manger, dormir, paraît-il que c'est vital, voire bon à la santé.
Pourquoi j'en suis là, à étaler ces platitudes ? Parce que je viens d'achever la lecture de La femme surdouée de Monique de Kermandec, parce que j'ai refait des petits tests... Oh lala, ces tests sur internet, oui, bon, on les trouve sur des sites[1],[2] un peu compétents sur le sujet quand même... Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas trop ce que je suis, mais visiblement, les indices convergent pour dire que je navigue quelque part sur le spectre entre l'autisme et la douance, avec une bonne dose d'hypersensibilité (sur ce point, aucun doute en tout cas, pas besoin de diagnostic !). Pour le reste, on ne sait pas trop, et on ne saura sûrement jamais. Pas vraiment le temps, l'énergie et l'argent pour chercher quelqu'un de compétent.
Et puis... Pour aller dire quoi ? "Bonjour docteur, je sais que je suis bizarre, j'aimerais passer quelques tests pour savoir où je me trouve sur l'échelle de la bizarrerie."
Je ne suis pas si handicapée que ça. Et je m'en voudrais de prendre la place, dans cette file d'attente qui s'allonge, d'une personne bien plus en détresse que moi, une personne pour qui un diagnostic serait une réelle nécessité. En ce qui me concerne, je vais plutôt bien. Il n'y a pas de détresse. Seulement des souffrances qui reviennent périodiquement, beaucoup de fatigue, d'irritabilité, de colère trop souvent...
Oui, j'aurais peut-être besoin d'aide. Je ne sais pas. J'ai peur que cela ressemble au même parcours du combattant que la recherche d'une sage-femme pour l'accouchement à domicile. Alors, même si j'hésite de plus en plus, je vais sûrement prendre le risque d'en arriver à la même conclusion : peut-être suis-je finalement la plus compétente pour résoudre les problèmes qui me concernent.
Alors, à nouveau, je lis, à la recherche de solutions.
Et là, il semble qu'une tâche herculéenne se présente à moi : apprendre à distinguer mon faux-self du vrai moi. (Mais est-ce que je vais trouver le temps de faire ça ? Et comment on s'y prend exactement ?)
J'ai tout de même retrouvé deux éléments rassurants – je ne suis pas sûre que ce soit le bon mot d'ailleurs – dans ce livre de Monique de Kermadec, ou, disons, des conclusions auxquelles j'étais déjà arrivée.
D'abord, il faut arrêter de chercher l'équilibre. Je ne fonctionne pas comme ça.
Ensuite, en ce qui concerne la souffrance, il va falloir que je me fasse à l'idée qu'elle ne va pas disparaître : "vous ne pouvez pas anéantir les émotions négatives. Le bonheur et les émotions positives seraient du même coup annihilés."
J'avais commencé à saisir le concept depuis quelques temps, et accepté ce choix : aimer et risquer, à coup sûr, de souffrir, ou ne pas vivre. D'autant plus que, ces dernières années, une intime conviction s'est peu à peu gravée en moi.
Mais entre mes élans de pensées positives et ma réalité quotidienne, il y a souvent un gouffre. Je suis plus souvent en train de me détester pour cet espèce d'état de colère latente dans lequel je vis, qu'en train d'agir en respirant la sérénité et la paix.
Et puis cette culpabilité qui s'ajoute aux moments de souffrance. Parce que je sais que la raison pour laquelle je me sens déchirée, la raison pour laquelle je ressens cette douleur, quasiment, ou carrément, physique, est la plupart du temps insignifiante. Parfois une simple intonation, dans une phrase anodine, peut me faire l'effet d'une claque.
Malheureusement aucun raisonnement rationnel ne parvient à calmer ces émotions. Et la lucidité du ridicule de ma souffrance face à celle du reste du monde qui meurt de faim, de maladie, de guerre, ne fait qu'ajouter une couche de culpabilité à ces émotions incohérentes.
Mais il semblerait que je ne puisse pas me débarrasser de tout ça si facilement. Il va plutôt falloir se la jouer à la Dark Crystal et apprendre à faire cohabiter dans un même être ces élans de bonté, prête à sauver le monde, avec cette colère et ces douleurs égo-tristement-centrées.
Peut-être qu'avec quelques pansements de cohérence cardiaque[3]/méditation cela pourrait devenir plus supportable. Peut-être aussi pourrais-je me rendre compte que ma culpabilité n'aide pas le reste du monde à aller mieux. Peut-être que je pourrais aller la balancer du haut de la falaise sur Vormir en espérant récupérer mon âme.
Bref, il faut que je me retrouve, que je démêle le moi du reste, que j'arrive à distinguer mes propres désirs de ceux nés de mon étrange empathie.
Pour y arriver, il me faudrait trouver du temps pour moi, seule. Ce serait formidable, et apparemment vraiment nécessaire, à une évolution favorable de ce gloubi-boulga intérieur. Une semaine ça serait bien. Oui, une semaine par mois, ça serait parfait. Ah... ? On me glisse dans l'oreillette que ça ne va pas être possible... Cause quatre enfants, un métier, tout ça... Très bien, très bien, je comprends. On fera autrement. Comment ? Je ne sais pas encore. Mais on va y réfléchir. Ça je sais faire réfléchir. Un peu trop.
[1] Tests en ligne pour le syndrome d'asperger et l'autisme
[2] Douance.be
[3] Cohérence Cardiaque, Dr C. Cungi et C. Deglon
Après toutes ces années à copier sur les autres, sans même m'en rendre compte, ces comportements sociaux dépourvus de sens pour moi. Dire bonjour, si quelqu'un dit bonjour, dire aurevoir, si quelqu'un dit aurevoir. Essayer de comprendre comment, quand, parler, ou pas, devant les autres, pour éviter ce sentiment de malaise, sans jamais y parvenir complètement.
Il va falloir que je retrouve cette petite fille dont j'admirais tant le regard noir dans le miroir, cette volonté au fond des yeux. Où est-elle donc passée ? Par où commencer pour la retrouver ?
Peut-être par revenir aux basiques. Manger. Dormir. Pour essayer de revenir à soi. Pour manger aussi, revenir aux basiques : le jardin, plaisir d'enfance. Ça ne peut pas faire de mal. C'est difficile de s'énerver en jardinant, à part, éventuellement, contre ces f..king boutons d'or qui envahissent tout, mais sinon, ça devrait être plutôt bon pour le moral et aider à retrouver des pensées constructives. Et dormir. Se coucher tôt, se lever tôt. L'utopie. Pourtant, on reste encore dans un des moyens efficaces pour prévenir les troubles mentaux, stress, anxiété, dépression.
Oui, je sais, j'étale des banalités... Manger, dormir, paraît-il que c'est vital, voire bon à la santé.
Pourquoi j'en suis là, à étaler ces platitudes ? Parce que je viens d'achever la lecture de La femme surdouée de Monique de Kermandec, parce que j'ai refait des petits tests... Oh lala, ces tests sur internet, oui, bon, on les trouve sur des sites[1],[2] un peu compétents sur le sujet quand même... Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas trop ce que je suis, mais visiblement, les indices convergent pour dire que je navigue quelque part sur le spectre entre l'autisme et la douance, avec une bonne dose d'hypersensibilité (sur ce point, aucun doute en tout cas, pas besoin de diagnostic !). Pour le reste, on ne sait pas trop, et on ne saura sûrement jamais. Pas vraiment le temps, l'énergie et l'argent pour chercher quelqu'un de compétent.
Et puis... Pour aller dire quoi ? "Bonjour docteur, je sais que je suis bizarre, j'aimerais passer quelques tests pour savoir où je me trouve sur l'échelle de la bizarrerie."
Je ne suis pas si handicapée que ça. Et je m'en voudrais de prendre la place, dans cette file d'attente qui s'allonge, d'une personne bien plus en détresse que moi, une personne pour qui un diagnostic serait une réelle nécessité. En ce qui me concerne, je vais plutôt bien. Il n'y a pas de détresse. Seulement des souffrances qui reviennent périodiquement, beaucoup de fatigue, d'irritabilité, de colère trop souvent...
Oui, j'aurais peut-être besoin d'aide. Je ne sais pas. J'ai peur que cela ressemble au même parcours du combattant que la recherche d'une sage-femme pour l'accouchement à domicile. Alors, même si j'hésite de plus en plus, je vais sûrement prendre le risque d'en arriver à la même conclusion : peut-être suis-je finalement la plus compétente pour résoudre les problèmes qui me concernent.
Alors, à nouveau, je lis, à la recherche de solutions.
Et là, il semble qu'une tâche herculéenne se présente à moi : apprendre à distinguer mon faux-self du vrai moi. (Mais est-ce que je vais trouver le temps de faire ça ? Et comment on s'y prend exactement ?)
J'ai tout de même retrouvé deux éléments rassurants – je ne suis pas sûre que ce soit le bon mot d'ailleurs – dans ce livre de Monique de Kermadec, ou, disons, des conclusions auxquelles j'étais déjà arrivée.
D'abord, il faut arrêter de chercher l'équilibre. Je ne fonctionne pas comme ça.
"Ne prenez pas exemple sur les autres – celles qui semblent y arriver. Vous êtes différente. Votre perfectionnisme, votre intensité, votre exigence vous poussent à autre chose, vous devez entrevoir cette recherche d'harmonie différemment."
J'avais essayé à l'université, de ne plus osciller d'un extrême à l'autre. Alors, oui, il y avait sans doute moins de douleur, mais aussi le sentiment de n'être plus qu'un terne reflet de moi-même, fade et éteinte, un peu comme une impression de ne plus vraiment vivre. Non, ce n'était pas pour moi. Ce n'était pas moi.Ensuite, en ce qui concerne la souffrance, il va falloir que je me fasse à l'idée qu'elle ne va pas disparaître : "vous ne pouvez pas anéantir les émotions négatives. Le bonheur et les émotions positives seraient du même coup annihilés."
J'avais commencé à saisir le concept depuis quelques temps, et accepté ce choix : aimer et risquer, à coup sûr, de souffrir, ou ne pas vivre. D'autant plus que, ces dernières années, une intime conviction s'est peu à peu gravée en moi.
Love is the key.
L'amour, au sens large bien sûr, de ses enfants, de ses amis, des personnes pour et avec qui on travaille. Ok, je sais que je ne vais pas pouvoir aimer, et encore moins être aimée de, tout le monde. Je ne suis pas Sainte Thérèse de Lisieux et j'ai même souvent du mal à supporter les gens, mais il y a pourtant dans cette conviction quelque chose qui relève un peu de la foi. Ce sentiment qu'aborder les problèmes et les personnes avec plus d'amour apporterait bien des solutions.Mais entre mes élans de pensées positives et ma réalité quotidienne, il y a souvent un gouffre. Je suis plus souvent en train de me détester pour cet espèce d'état de colère latente dans lequel je vis, qu'en train d'agir en respirant la sérénité et la paix.
Et puis cette culpabilité qui s'ajoute aux moments de souffrance. Parce que je sais que la raison pour laquelle je me sens déchirée, la raison pour laquelle je ressens cette douleur, quasiment, ou carrément, physique, est la plupart du temps insignifiante. Parfois une simple intonation, dans une phrase anodine, peut me faire l'effet d'une claque.
Malheureusement aucun raisonnement rationnel ne parvient à calmer ces émotions. Et la lucidité du ridicule de ma souffrance face à celle du reste du monde qui meurt de faim, de maladie, de guerre, ne fait qu'ajouter une couche de culpabilité à ces émotions incohérentes.
Mais il semblerait que je ne puisse pas me débarrasser de tout ça si facilement. Il va plutôt falloir se la jouer à la Dark Crystal et apprendre à faire cohabiter dans un même être ces élans de bonté, prête à sauver le monde, avec cette colère et ces douleurs égo-tristement-centrées.
Peut-être qu'avec quelques pansements de cohérence cardiaque[3]/méditation cela pourrait devenir plus supportable. Peut-être aussi pourrais-je me rendre compte que ma culpabilité n'aide pas le reste du monde à aller mieux. Peut-être que je pourrais aller la balancer du haut de la falaise sur Vormir en espérant récupérer mon âme.
Bref, il faut que je me retrouve, que je démêle le moi du reste, que j'arrive à distinguer mes propres désirs de ceux nés de mon étrange empathie.
Pour y arriver, il me faudrait trouver du temps pour moi, seule. Ce serait formidable, et apparemment vraiment nécessaire, à une évolution favorable de ce gloubi-boulga intérieur. Une semaine ça serait bien. Oui, une semaine par mois, ça serait parfait. Ah... ? On me glisse dans l'oreillette que ça ne va pas être possible... Cause quatre enfants, un métier, tout ça... Très bien, très bien, je comprends. On fera autrement. Comment ? Je ne sais pas encore. Mais on va y réfléchir. Ça je sais faire réfléchir. Un peu trop.
[1] Tests en ligne pour le syndrome d'asperger et l'autisme
[2] Douance.be
[3] Cohérence Cardiaque, Dr C. Cungi et C. Deglon