"Il suffit d'avoir été mère ou père [...] pour savoir [...] que l'on peut avoir quelque difficulté à tolérer certains aspects de la personnalité de son enfant. Cette prise de conscience est particulièrement douloureuse lorsqu'on aime l'enfant, que l'on voudrait le respecter dans toute sa spécificité individuelle, et que l'on se rend compte que l'on n'y parvient quand même pas."
Alice Miller
C'est sans doute ce constat, plus ou moins bien formulé dans ma tête, qui m'a poussée à m'intéresser à l'"éducation" des enfants et plus particulièrement aux violences qu'on leur fait subir.
C'est ainsi que j'ai découvert les livres d'Alice Miller.
Dans la première partie de C'est pour ton bien, Alice Miller présente ce qu'elle nomme la pédagogie noire (d'après le titre de l'ouvrage de Katherina Rutschky paru en 1977). Les extraits cités décrivent les techniques employées classiquement (et encore assez récemment) en Allemagne pour éduquer les enfants.
Les moyens préconisés par cette pédagogie vont de la violence physique, pratiquée dès les premiers mois de l'enfant, aux manipulations psychologiques les plus variées, dans le but constant de soumettre l'enfant aux volontés de l'adulte, quelles qu'elles soient.
Mais ces méthodes "éducatives" n'étaient pas réservées à l'Allemagne comme le monte la liste des mauvais traitements et tortures subis par des enfants en Suisse et recensés par l'organisme "Sorgentelephon".
Toute cette partie donne la nausée (en particulier quand on lit ce livre au premier trimestre d'une grossesse !) mais est également très instructive. Malheureusement, comme le rappelle Alice Miller, il faut bien se convaincre que ce genre de traitement n'est pas réservé à une autre époque ou à d'autres pays que les nôtres.
À l'heure actuelle, en France, il existe presque 100 000 cas connus d'enfants en danger et deux enfants meurent chaque jours sous les coups de leurs parents (source : www.lefigaro.fr). 44 % des enfants maltraités ont moins de 6 ans, 60 % des cas de maltraitance sexuelle ont lieu dans la famille des victimes (source : www.lenfantbleutoulouse.fr).
Dans la deuxième partie du livre, Alice Miller met en évidence le lien entre les mauvais traitements subis dans l'enfance et le comportement ultérieur de trois personnes : Christiane F. (auteur de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...), Adolf Hitler et Jürgen Bartsch (coupable de cruels infanticides).
Le raccourci peut sembler rapide, caricatural : "Ce n'est pas de sa faute, il a eu une enfance malheureuse..." et la réponse toute faite "Il y a plein d'enfants battus qui sont devenus des gens très bien."
Mais cela vaut vraiment la peine de s'y arrêter un peu plus longtemps. Quand on regarde de plus près le type de mauvais traitements subis et la façon dont ces trois personnes ont exercé leur violence par la suite, envers les autres ou envers elles-mêmes, on ne peut pas nier l'évidence du lien.
À titre d'exemple : Hitler, qui n'a jamais su avec certitude si son grand-père était juif ou non, contraignit, sous le Troisième Reich, "tous les citoyens à prouver leurs origines en remontant jusqu'à la troisième génération".
Pour conclure, l'ouvrage d'Alice Miller, qui est tout aussi instructif qu'effrayant, fini tout de même sur une note positive. Quelle que soit l'ampleur des violences subies, il semble qu'il reste toujours une porte de sortie, une possibilité de "réparation", à condition que l'enfant rencontre enfin une possibilité de prendre conscience de ce qu'il a vécu et de l'exprimer.
"Car l'âme humaine est pratiquement indestructible, et ses chances de renaître demeurent tant que le corps vit".